LA JEUNE FEMME, VICTIME DE LA TRADITION

Lamis Ammar

TEMPÊTE DE SABLE, d’Elite Zexer – 1h20

Avec Lamis Ammar, Ruba Blal, Hitham Omari

Sortie : mercredi 25 janvier 2017

Je vote : 4 sur 5

Le pitch ?

Les festivités battent leur plein dans un petit village bédouin en Israël, à la frontière de la Jordanie : Suleiman, déjà marié à Jalila, épouse sa deuxième femme. Alors que Jalila tente de ravaler l’humiliation, elle découvre que leur fille aînée, Layla, a une relation avec un jeune homme de l’université où elle étudie. Un amour interdit qui pourrait jeter l’opprobre sur toute la famille et contre lequel elle va se battre. Mais Layla est prête à bouleverser les traditions ancestrales qui régissent le village, et à mettre à l’épreuve les convictions de chacun.

Ce qui touche dans ce film ?

Le portrait de jeunes femmes confrontées à la tradition. C’est en accompagnant sa mère, photographe, dans des villages bédouins du désert israélien du Néguev qu’Elite Zexer a nourri l’idée de nourrir de ces rencontres un scénario. Elle raconte : « Pendant des années, j’ai eu la chance de rencontrer des femmes formidables dont l’histoire m’a profondément bouleversée. Certaines sont devenues des amies très proches. Le film est presque entièrement le fruit de ces échanges. Les personnes que j’ai rencontrées, les histoires que l’on m’a racontées, tout cela transparaît à l’écran plus que tout autre chose. Mes rencontres avec les Bédouins ont façonné chaque plan de ce film. » Elle s’est souvenue particulièrement d’avoir accompagné avec sa mère une jeune femme qui se mariait avec un parfait inconnu pour combler les vœux de sa famille.

Lamis Ammar-Jalal Masarwa

Pour être le plus juste possible, Elite Zexer a passé quatre ans à peaufiner son scénario pour aborder une culture qui  ne lui était pas familière. Elle ajoute : « Quand bien même la culture des Bédouins m’était étrangère, il fallait que le script soit un reflet authentique de leur vision du monde. J’ai donc passé des années à écrire et réécrire le scénario encore et encore, jusqu’à sentir qu’il la retranscrivait fidèlement. Le scénario est fictif, mais il est inspiré de faits réels, et je l’ai écrit en me sentant dans l’obligation de le rendre aussi vrai que possible, non seulement parce que c’est le genre de cinéma qui me correspond le mieux, mais aussi parce que je ressentais le devoir de représenter avec justesse les gens que j’ai rencontrés. » Le travail a été payant et elle parvient à nous faire ressentir presque « de l’intérieur » le poids de tradition obscurantiste, que ce soit l’obligation pour la jeune Layla de subir un mariage ou l’humiliation de sa mère, Jalila, confrontée au deuxième mariage de son mari tout puissant.

Pour restituer le climat pesant de l’histoire, il fallait trouver des comédiens qui jouent sans renforcer le trait. Devant l’impossibilité de faire tourner de vrais Bédouins de la région (en prime, les femmes ne peuvent pas être filmées), la réalisatrice a décidé d’engager des actrices professionnelles arabes qui ont été formées pour parler le dialecte bédouin sans accent au moment du tournage.

Ruba Blal-Asfour-Shaden Kanboura

Pour un premier film, Elite Zexer parvient à marquer l’écran de sa griffe et d’une manière pudique de dénoncer une situation dramatique. Cette histoire remarquable a reçu le Grand prix du jury au Festival de Sundance comme il a été couronné par bien des trophées aux César israéliens.

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